De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l'Impair Plus vague et plus soluble dans l'air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n'ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise : Rien de plus cher que la chanson grise Où l'Indécis au Précis se joint.
C'est des beaux yeux derrière des voiles, C'est le grand jour tremblant de midi, C'est, par un ciel d'automne attiédi, Le bleu fouillis des claires étoiles !
Car nous voulons la Nuance encor, Pas la Couleur, rien que la nuance ! Oh ! la nuance seule fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la Pointe assassine, L'Esprit cruel et le Rire impur, Qui font pleurer les yeux de l'Azur, Et tout cet ail de basse cuisine !
Prends l'éloquence et tords-lui son cou ! Tu feras bien, en train d'énergie, De rendre un peu la Rime assagie. Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?
O qui dira les torts de la Rime ? Quel enfant sourd ou quel nègre fou Nous a forgé ce bijou d'un sou Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encore et toujours ! Que ton vers soit la chose envolée Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée Vers d'autres cieux à d'autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure Eparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym... Et tout le reste est littérature.
Verlaine Poème fondateur de la doctrine symboliste publié dans la revue Paris-Moderne en novembre 1882.
«… mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit : j'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.»
Alfred de Musset On ne badine pas avec l'amour - Pièce publiée en 1834 dans La Revue des Deux Mondes
Tableau : Le Baiser près de la fenêtre de Edvard Munch (1892)
Cher ami, Je suis toute émue de vous dire que j'ai bien compris l'autre jour que vous aviez toujours une envie folle de me faire danser. Je garde le souvenir de votre baiser et je voudrais bien que ce soit une preuve que je puisse être aimée par vous. Je suis prête à montrer mon affection toute désintéressée et sans cal- cul, et si vous voulez me voir ainsi vous dévoiler, sans artifice, mon âme toute nue, daignez me faire visite, nous causerons et en amis franchement je vous prouverai que je suis la femme sincère, capable de vous offrir l'affection la plus profonde, comme la plus étroite amitié, en un mot : la meilleure épouse dont vous puissiez rêver. Puisque votre âme est libre, pensez que l'abandon où je vis est bien long, bien dur et souvent bien insupportable. Mon chagrin est trop gros. Accourez bien vite et venez me le faire oublier. À vous je veux me sou- mettre entièrement. Votre poupée
Lettre de George Sand à Alfred de Musset. entre 1833 et 1834.
Photo "L'Odeur de la grenade" de Zaida Ben-Yusufm - 1899.